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Message par Severed Mar 23 Mar - 16:08

Alain Pelosato

Né le 19 décembre 1946 à Algrange, est un écrivain et éditeur français. Il a été directeur de l'environnement et manageur de risques dans une commune du Grand Lyon jusqu'en 2007. Actuellement consultant.
Il signe des textes littéraires sous le pseudonyme « Pierre Dagon ».

Les Vampires

Avant Dracula...

Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire !
Charles Baudelaire
Les Fleurs du mal



Voici comment le célèbre Eliphas Lévi traite des vampires dans son traité Histoire de la Magie, édité en 1859 : "Les personnes enterrées vivantes ne peuvent (...) avoir sous terre que des réveils rapides et de peu de durée, elles peuvent toutefois y vivre longtemps conservées par la lumière astrale dans un état complet de somnambulisme lucide.
"Leurs âmes alors sont sur la terre encore enchaînées au corps endormi par une chaîne invisible, alors si ce sont des âmes avides et criminelles, elles peuvent aspirer la quintessence du sang des personnes endormies du sommeil naturel, et transmettre cette sève à leur corps enterré pour le conserver plus longtemps dans l'espérance vague qu'il sera enfin rendu à la vie. C'est cet effrayant phénomène qu'on appelle le vampirisme, phénomène dont la réalité a été constatée par des expériences nombreuses aussi bien attestées que tout ce qu'il y a de plus solennel dans l'histoire.
"(...)Il existe encore un grand nombre de procès-verbaux sur l'exhumation des vampires.
Les chairs étaient dans un état remarquable de conservation, mais elles suintaient le sang, leurs cheveux avaient cru de manière extraordinaire et s'échappaient par touffes entre les fentes du cercueil. La vie n'existait plus dans l'appareil qui sert à la respiration, mais seulement dans le coeur qui d'animal semblait devenir végétal. Pour tuer le vampire, il fallait lui traverser la poitrine avec un pieu, alors un cri terrible annonçait que le somnambule de la tombe se réveillait en sursaut dans une véritable mort.
"Pour rendre cette mort définitive, on entourait la tombe du vampire d'épées plantées en terre la pointe en l'air, car les fantômes de lumière astrale se décomposent par l'action des pointes métalliques qui, en attirant cette lumière vers le réservoir commun, en détruisent les amas coagulés."
Le prêtre défroqué Alfred Charles Constant, dit Eliphas Lévi fut admiré par André Breton et les surréalistes.
On voit qu'il traite de cas de vampirisme (à partir des théories de l'occultisme) bien avant que Bram Stoker n'en parle. On sait que ce dernier fut membre de la Golden Dawn, société initiatrice au sein de laquelle il put accéder à certaines informations et documentations. D'autres grands de la littérature fantastique furent membres de cette société secrète : Arthur Machen et Algernon Blackwood. L'occultisme ne fut donc pas étranger à la culture et aux pratiques de ces écrivains.
Le mythe du vampire est très ancien.
Tournefort, cité par Eliphas Lévi, rapporte dans son Voyage au Levant : "Des peuples du nord les appellent Vampires ; les Grecs les désignent sous le nom de Broucolaques."
Ce phénomène a certainement pour origine le fait que l'on enterrait parfois des gens vivants, les croyants morts. Ils se réveillaient enterrés vivants et faisaient alors beaucoup de bruit dans leurs cercueils. Lorsqu'on les déterrait, on les découvrait pleins de sang (des blessures qu'ils se faisaient en tentant de sortir) et très bien conservés par la force des choses. Le phénomène prenait de graves proportions lors des épidémies, car on enterrait alors les gens promptement pour éviter la contamination... Certaines traditions vécues comme macabres par un spectateur non averti, consistaient à vérifier la vraie mort du défunt. Ainsi, les mariniers du Rhône descendaient dans le trou et frappaient violemment sur le cercueil en poussant des cris effroyables, puis sortaient pain et vin et cassaient la croûte dans la tombe... D'ailleurs, n'est-ce pas étonnant qu'une légende rhodanienne raconte l'histoire du Drac, dragon vivant au fond du fleuve et qui enlève les femmes dont le lait seul peut ressusciter son enfant mort... Or, nous verrons que Drac signifie dragon en... roumain.
A l'origine, il y a les légendes arabes des goules qui ne sont pas vraiment des vampires, mais des êtres surnaturels qui dévorent les cadavres et parfois les vivants. C'est en parlant de ces goules que Lovecraft utilise le mot de vampires dans Démons et merveilles : "Créatures carnivores au visage de chien (et aux) formes affaissées (à la recherche de Kadath).
Mais les vrais vampires ont été inventés au XVème siècle aux confins de la Hongrie et de la Roumanie. C'est là, en Transylvanie, que les plus grandes épidémies de vampirisme ont été recensées dans le passé... Cette province était dirigée par un voïvode, gouverneur de Hongrie, Jean Hunyadi. Les deux autres provinces, la Valachie et la Moldavie, constituaient le dernier rempart du christianisme face à l'invasion ottomane. Vladislas III (Vlad), voïvode de Valachie, opposait une résistance farouche à l'envahisseur. Vlad III avait été fait chevalier du dragon : Vlad Dracul (Drac, signifiant dragon en roumain). Emprisonné par les Turcs, c'est son fils, Vlad IV qui lui succéda sur le trône. Vlad Dracula, le suffixe "a" signifiant fils de. Ce noble guerrier, juste mais dur, mena une guerre féroce contre l'envahisseur turc. Il utilisa copieusement une méthode de supplice très répandue en orient à cette époque : le supplice du pal, d'où son surnom de Vlad Tepes, Vlad l'Empaleur. Il n'était pas vraiment bien vu par le roi de Hongrie, Mathias Corvin, fils de Jean Hunyadi, qui l'apprécia d'abord pour sa lutte contre l'envahisseur, puis ensuite le vit comme un obstacle à ses vues sur les provinces roumaines. C'est ce souverain qui amplifia les légendes servant à dénigrer, pour des raisons politiques, ce personnage fort controversé. "C'est ainsi que naquit la légende noire, reposant sur les sources germano-hongroises, du monstre sanguinaire festoyant parmi les empalés, imaginant des supplices aussi raffinés que gratuits, torturant et tuant dans le plus bel arbitraire." (Jean Goens, dans Loups-garous, vampires et autres monstres)
Cette propagande politique déploya également la légende selon laquelle Vlad Dracula (mort en 1476 dans une embuscade) aurait signé un pacte avec le diable qui en fit un vampyr après sa mort. Le mot Dracul signifie également diable en roumain et vampire en moldave. Et voilà ! La légende a pour origine une affaire politique !
L'écrivain français Huysmans consacre son livre Là-Bas (1891) à un terrible personnage, Gilles de Rais, en qui il voit un véritable vampire. Le héros de Là-Bas, Durtal, le compare à Barbe Bleue. Gilles de Rais (1400-1440) fut compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, puis, retiré dans ses domaines de Machecoul et Tiffauges, il s'adonne aux sciences occultes et surtout à l'alchimie. Il croit alors que dans le sang il trouvera le secret de la pierre philosophale. Trois cents enfants seront les victimes de ses "recherches", alibis de ses perversités.
Un autre personnage de la même région, la Transylvanie, a défrayé la chronique vampirique : la comtesse Erzebeth Bathory (1560 - 1614). Cette femme, d'une famille noble comprenant, aussi bien dans ses aïeux que dans ses contemporains, nombre de dépravés et brutes sanguinaires, a eu une nourrice, Jo Ilona, qui pratiquait sortilèges et magie noire. Elle deviendra son âme damnée. Le blason des Bathory comprenait : trois dents de loup, un croissant de lune, un soleil en forme d'étoile à six pointes, le tout entouré d'un dragon qui se mord la queue. Leur qualité de noble les autorisait au pouvoir de vie et de mort (même dans d'atroces souffrances) sur la piétaille. D'où les messages politiques que certains auteurs mettent dans leurs histoires de vampires. A son mariage, Erzebeth s'installa chez son mari (Férencz Nàdasdy, Héros noir de la Hongrie), au château de Csejthe, pays réputé hanté de fantômes, vampires et loups-garous. Un jour, alors que son guerrier de mari était à la guerre, elle reçut la visite d'un homme pâle habillé de noir. Les habitants des lieux crurent à un vampire... Elle s'absenta en sa compagnie de longues semaines. Elle devient veuve en 1604. Un jour, elle avait frappé violemment une servante au visage. Du sang coula sur son bras. Elle s'aperçut alors que la peau, à cet endroit, avait rafraîchi. Elle se baigna alors le visage avec le sang d'une des victimes de ses orgies sadiques et ce traitement la rajeunit et la vivifia. Ses servantes (de véritables sorcières) ramenaient au château d'innocentes jeunes filles qu'elles sacrifiaient horriblement au sadisme de la comtesse. Ce personnage a dû également inspirer Bram Stoker. Pourquoi ? C'est que la comtesse sembla utiliser la "Vierge de Fer", automate monstrueux qui enserrait ses victimes entre ses bras acérés en faisant couler le sang. Et Stoker a fait de cet automate, qu'il nomma "La Vierge de Nuremberg", le personnage principal d'une de ses nouvelles, La Squaw. La comtesse finit par être arrêtée, jugée (les minutes du procès montrent les sévices subis par ses victimes) et condamnée à être recluse dans ses appartements.
Ses servantes furent décapitées. A sa mort, quatre ans plus tard, elle était restée d'une étonnante beauté...
Au XVIIIème siècle, l'abbé bénédictin Dom Augustin Calmet rassemble de nombreux témoignages dans son Traité sur les apparitions des anges, des démons et des esprits et sur les revenants et vampires de Hongrie, de Bohème, de Moravie et de Silésie (1746-1751). Ensuite, le docteur Van Swieten, rédigea, à la demande de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, un rapport médical sur les vampires (1755) ce qui montre à quel point ce problème préoccupait les autorités. Il y conteste l'existence de ces morts-vivants, montrant que les terreurs nocturnes des témoins étaient dues à leurs angoisses et hallucinations. Il conteste les rapports des commissions d'Olmütz qui ne comprenaient pas d'autorités médicales aptes à apprécier l'état des corps. D'autre part, la conservation des corps peut être un phénomène naturel dans certains sols ou dans des périodes de grands froids.
Avec les légendes de Vlad Tepes, Bram Stoker s'est inspiré de trois fictions littéraires pour écrire son Dracula : Le Vampire de John William Polidori (1819), Varney the Vampire de James Malcom Rymer (1840) et le superbe Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu ((1872). Le XIXème siècle fut fort influencé par les histoires de vampires.
Polidori était le secrétaire de Lord Byron qu'il quitta d'ailleurs en 1817, ne pouvant plus le supporter. Sa nouvelle a été rédigée dans le cadre du pari qui avait conduit également Mary Shelley à écrire Frankenstein.
Lord Ruthwen, le vampire libertin et débauché devait être une caricature de Lord Byron lui-même. Le vampire n'est plus alors le monstre hideux et malfaisant, mais un beau séducteur fascinant, même s'il est mauvais. Polidori, qui inspirera Charles Nodier et Alexandre Dumas avec son vampire, aura fait entrer le romantisme dans la légende.
Varney est un feuilleton énorme dont le sous-titre, La Fête du sang, exprime bien le contenu. Carmilla, dans une nouvelle, met en scène une femme vampire qui aime sa victime (une femme) dans une grande passion. Théophile Gautier avait déjà mis en scène une femme vampire dans sa nouvelle La Morte amoureuse (1836) : la belle Clarimonde, morte mais amante, vampirise le prêtre Romuald.
D'autres écrivains ont été fascinés par les vampires. Prosper Mérimée traite de la question dans Lokis (1869) ; Goethe, déjà, dans La Fiancée de Corinthe (1797) ; le grand Ernst-Théodor-Amadeus Hoffmann avec La Vampire (1828) ; Charles Nodier dans Le Vampire de bien (1831) ; Edgar-Allan Poe dans Berenice (1835) ; Gogol dans Vij, le Roi des Gnomes (1835) ; Tolstoï dans La Famille du Vourdalak (1847) ; Alexandre Dumas dans Les Mille et un fantômes (1849) ; Robert Louis Stevenson dans Ollala (1855) ; Fritz-James O'Brien dans Qu'était-ce ? (1859) ; Lautréamont dans Ton ami, le vampire (1868) ; Marcel Schwob dans Les Striges (1891). Un autre genre de vampire, psychique celui-là, est traité avec grand talent par Guy de Maupassant dans Le Horla (1885) et par Kipling, en plus terrifiant dans Dans la Cité des morts (1885). Le thème sera encore copieusement traité par les écrivains du début de notre siècle, comme Gustave Le Rouge dans La Guerre des vampires (1909) et Rosny Ainé dans La jeune vampire (1920), jusqu'à nos jours.
Les contes populaires parlent aussi beaucoup de vampires sans les nommer : l'ogre du petit Poucet, par exemple, et surtout Barbe Bleue, magnifique allégorie, basée sur la curiosité des enfants envers les relations sexuelles de leurs parents. La tache de sang sur la clé ressemble étonnamment à la goutte de sang qui coule de la lance dans le château du roi Pêcheur de la légende du Graal.
D'ailleurs, les nombreux textes de la légende arthurienne sur la quête du Graal consti-tuent les premières oeuvres littéraires connues sur le vampirisme. Cette quête n'est-elle pas une quête du sang ? La scène célèbre du bol de sang (le Graal) et de la lance qui saigne dans le château du roi Pêcheur, alors que Perceval n'ose pas poser de question, est une scène d'offrande du sang pour accéder à l'éternité. D'ailleurs, si Perceval ne pose pas de question, c'est qu'il se souvient des conseils de son maître en chevalerie : "Il faut se garder de trop parler"... Hélas ! Parler, questionner aurait sauvé de la malédiction le roi Pêcheur et son royaume, redonné du sang neuf au roi qui se saigne lentement. Un roman de ce cycle, L'Atre Périlleux, montre une scène de vampirisme. Le chevalier Gauvain, neveu du roi Arthur, passe la nuit dans le "Cimetière du Grand Péril".
Assis sur une tombe, la pierre se met à bouger sous lui. Une belle jeune fille, très pâle, apparaît dans son cercueil. Dans le passé, le diable l'avait guérie d'un mal mystérieux et depuis, en échange : "Il prenait de moi son plaisir chaque nuit, et chaque jour, je gisais seule dans ce tombeau". Voilà, (avant l'heure ? ) une histoire qui ressemble diablement à une histoire de vampire.
Que contient le Graal ? Le sang du Christ que Joseph d'Arimathie a recueilli lors de la descente du corps de la croix... Or, le Christ a ressuscité. Donc, boire de ce sang rend éternel.
Voilà donc la question. La légende part des morts-vivants qui viennent hanter leurs proches, parfois les dévorer. D'abord, ce sont simplement des monstres. Puis, ces non-morts étant éternels, il faut bien y trouver une explication merveilleuse. La quête du Graal l'apporte : le sang rend éternel. Ce sang est dans un chaudron (la féminité) et coule de la lance (la masculinité) ; le sexe entre également dans la légende du vampire grâce à la légende arthurienne. Puis, une sombre affaire politique développe ces thèmes à propos d'un chef de guerre et seigneur de Valachie. Nous arrivons ainsi à Dracula.
Terreur de la mort, christianisme et légende du Graal, personnages historiques terrifiants, tous ces ingrédients mélangés par l'écrivain dans le vaste chaudron de la création, donnent le mythe merveilleux du vampire. La fascination qu'il exerce a produit le mot "vamp", tiré de vampire, et qui désigne une femme dont l'attrait est irrésistible.
Voilà pourquoi on ne s'en lasse jamais : le mythe prend sa source au fond même de notre culture.
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